mercredi, novembre 30, 2016

L'atelier du temps (2)


Exposition de Gaspare Manos
Lien ici 


Memento Mori


                                                               
                                                              Vue de Toscane  (paysage en rose)


Venise






Changement d'échelle: 
IBN Batuta n°1    
L'énigme de l'homme... (Bruxelles 1991)






Le pont des soupirs, les fers, le crâne 

"J'ai fixé le moment de mon évasion dans la nuit précédant la fête de saint Augustin, non pas tant parce qu'il y avait déjà plus de quatre semaines que je l'avais fait mon protecteur, comme parce que je savais que dans cette fête-là le Grand Conseil s'assemblait, et que par conséquent il n'y aurait pas de monde à la boussole contiguë (1) à la chambre par laquelle je devais nécessairement passer en me sauvant. J'ai donc fixé de sortir dans la nuit du vingt-sept.
La journée du vingt-cinq, à midi, il m'arriva ce qui me fait frissonner encore dans ce moment où je vais l'écrire. À midi précis j'ai entendu le glapissement des verrous : j'ai cru de mourir. Un violent battement de cœur, qui frappait plus de six pouces plus bas que sa région, me fit craindre mon dernier moment : je me suis jeté éperdu sur mon fauteuil. Laurent en entrant me dit, mettant la tête à la grille, et avec un ton de jouissance : Je viens, Monsieur, vous porter une bonne nouvelle, dont je vous félicite. J'ai d'abord cru que c'était celle de ma liberté, car je n'en connaissais pas d'autre qui pût être bonne ; et je me voyais perdu : la découverte du trou aurait fait révoquer ma grâce. Laurent entre et me dit d'aller avec lui ; je lui réponds d'attendre que je m'habille : N'importe, me dit-il, puisque vous ne faites que passer de ce vilain cachot à un autre clair et tout neuf où par deux fenêtres vous verrez la moitié de Venise, où vous pourrez vous tenir debout, où... Mais je n'en pouvais plus, je mourais ; je le lui ai dit. J'ai demandé du vinaigre (2) en le priant d'aller dire à M. le Secrétaire que je remerciais le tribunal de cette grâce, en le suppliant au nom de Dieu de me laisser là. Laurent me dit avec un grand éclat de rire que j'étais fou : que le cachot où j'étais s'appelait l'enfer, et que celui où il avait ordre de me mettre était délicieux. Allons, allons, ajouta-t-il, il faut obéir, levez-vous. Je vous donnerai le bras, et je vous ferai d'abord porter toutes vos hardes (3), et tous vos livres. Etonné et en devoir de ne plus répliquer le moindre mot je suis sorti, et j'ai dans l'instant ressenti un petit soulagement en l'entendant ordonner à un des siens de le suivre avec mon fauteuil. Mon esponton (4) était caché dans sa paille : c'était toujours quelque chose. J'aurais voulu me voir suivi par le beau trou que j'avais fait avec tant de peine, mais c'était impossible : mon corps allait, mais mon âme restait là."
Giacomo Casanova, Histoire de ma fuite des Plombs, première partie, pp.89-90



dimanche, novembre 27, 2016

De l'atelier au musée (1)

"L'artiste doit se taire et laisser parler ses oeuvres", 

 ce précepte fut l'introduction  de Gaspare Manos  au vernissage de  l'exposition de ses collections et de ses oeuvres, visible au musée des Beaux-Arts de Saint-Lô jusqu'au 23 avril.



Né en Thaïlande,  son goût des collections lui vient de ses parents italiens - diplomates- amateurs de statuettes asiatiques du X ème au XV ème siècle.




     Si Daniel Hurstel achetait et collectionnait par "coups de coeur", Gaspare Manos, lui, fait de ses collections internationales (art africain, objets du quotidien, vases orientaux, tableaux contemporains...) une source d'inspiration pour ses propres créations- une trentaine sont présentées ici.
     Comment l'artiste ne développerait -il pas des goûts cosmopolites, ayant connu les cinq continents et eu l'occasion de grandir dans huit pays différents?








                                                                 Tableau de  Laura Garcia Karras (2016)



     Ainsi, au gré des coulures et des entailles, des masques-araignées africains deviennent-ils feuillage d'ananas, les scarifications sur la peau des femmes africaines se métamorphosent-elles en fenêtres de gratte-ciel.








Masques ou monstres ?

(Cacher/montrer)







    L'exposition est une façon de montrer ce qu'il y a dans le cerveau d'un artiste au moyen de la reconstitution de son atelier, dans un coin du musée.



Peut-être y peindra -t-il devant le public ?

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Dernière nouvelle:

Le 8/03/17, Gaspare Manos est revenu au musée des beaux-arts de Saint-Lô, non pour peindre devant le public mais pour parler de sa démarche aux adhérents des Amis des Musées, trahissant le principe énoncé plus haut, mais pour le plus grand plaisir des  28 happy few!

Photos et article à suivre (3)
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jeudi, novembre 24, 2016

le Diamant

Un lien inattendu , mais bienvenu avec mes billets précédents:
(lien ici  et là)

le Diamant, joyau de la Martinique.



Merci, Claude!

mardi, novembre 22, 2016

Sur les pierres précieuses






Sur les pierres précieuses


Quoi, sort-il tant de feux, de rayons, de lumières, 
D'un si froid, si grossier, et si noir élément ? 
Et tant d'astres naissants dans ces sombres carrières 
Font-ils donc de la terre un second firmament ?



Minéraux éclatants, terrestres luminaires, 
Dont la tête des rois brille superbement, 
Je ne vous puis compter que pour des biens vulgaires, 
Et pour moi votre éclat n'est qu'un faible ornement.




Invisible Soleil, qui donnas l'être au monde, 
Viens former dans mon coeur, par ta vertu féconde, 
Pour célestes joyaux, l'espérance et la foi.


Mais que, cessant un jour d'espérer et de croire, 
J'obtienne dans ton ciel, et possède avec toi 
La couronne sans prix des rayons de ta gloire.




  • Laurent Drelincourt    (1626-1680)










samedi, novembre 19, 2016

Au pays de l'or bleu

L'or bleu, c'est l'ardoise de l'ancienne mine de 
Caumont l'éventé (Calvados)
inexploitée depuis 125 ans, pour raisons économiques, essentiellement le manque de réseau ferroviaire qui n' a permis de concurrencer les ardoisières d'Anjou.







Le site est devenu  le souterroscope, espace touristique et pédagogique:
l'histoire industrielle de la mine et le cycle de l'eau y sont expliqués.





S'enfoncer sous terre est une sorte d'aventure pour les petits- mais aussi pour les grands (à condition de ne pas souffrir de clautrophobie) imprégnés des romans de Jules Verne : Voyage au centre de la terre et les Indes noires .
Comment escamoter la dimension psychanalytique de ce retour au centre, au ventre?
Il faut relire Gaston Bachelard,  qui, dans La terre et les rêveries du repos  a analysé les grandes figures du refuge que sont la maison, la grotte, le ventre.

« La grotte est un refuge dont on rêve sans fin. Elle donne un sens immédiat au rêve d’un repos tranquille, d’un repos protégé ».




Des jeux d'eau colorés apportent une dimension poétique à cette plongée dans le passé.





Et la "salle du trésor", telle qu'elle est joliment  nommée, avec ses magnifiques collections de pierres précieuses nous ramène aux légendes dans lesquelles un  dragon assoupi protège les richesses souterraines.


Un roman  quelque peu oublié de George Sand, Laura, Voyage dans le cristal,  transporte ses deux personnages principaux et le lecteur dans l'univers fantastique des géodes d'améthyste, des cornalines, du cristal  et autres pierres précieuses.






lundi, novembre 14, 2016

Pas à pas vers le mystère

Continuons notre balade sur les pas de Pierre-Jakez Hélias, (1914-1995) dans le village de Pouldreuzic, qu'il évoque dans Le Cheval d'orgueil, paru en 1975.

Les 17 panneaux-stations du  circuit de randonnée ont comme préliminaire, dans le bourg,

sa maison natale 





( Lien ici    )


Rivalités dans le bourg







Par les chemins creux 



Le lavoir










L'Ankou



...et dans l'église de Plozévet


(Ce deuxième billet est dédié à Marguerite-Marie)



Au lavoir de Keranglaz

L'étang mire des fronts de jeunes lavandières.
Les langues vont jasant au rythme des battoirs,
Et, sur les coteaux gris, étoilés de bruyères,
Le linge blanc s'empourpre à la rougeur des soirs.

Au loin, fument des toits, sous les vertes ramées,
Et, droites, dans le ciel, s'élèvent les fumées.

Tout proche est le manoir de Keranglaz, vêtu
D'ardoise, tel qu'un preux en sa cotte de maille,
Et des logis de pauvre, aux coiffures de paille,
Se prosternent autour de son pignon pointu.

Or, par les sentiers, vient une fille, si svelte
Qu'une tige de blé la prendrait pour sa soeur ;
C'est la dernière enfant d'un patriarche celte,
Et sa beauté pensive est faite de douceur.

Elle descend, du pas étrange des statues,
Et, soudain, au lavoir, les langues se sont tues.

L'eau même qui susurre au penchant du chemin
Se tait, sous ses pieds nus qui se heurtent aux pierres,
On voit courir des pleurs au long de ses paupières,
Et sa quenouille pend, inerte, de sa main...

L'étang mire, joyeux, des fronts de lavandières,
Et sait pourtant quel deuil ils porteront demain !...


Tendres mirages (2)

                                                                Jeanne Cardinal :                          interprétation picturale du recue...