...et de leur auteur,
la Comtesse de Ségur, née Sophie Rostopchine (Saint-Pétersbourg 1779-Paris 1874)
Cette allée conduit au
château des Nouettes, à Aube, dans l'Orne, près de l'Aigle. (Devenu Institut médico éducatif. Ne ne visite pas, sauf exceptionnellement)
Mariée à Eugène de Ségur le 14 juillet 1819 , Sophie acquit, grâce à la générosité de son père, ce domaine qui lui rappelait celui de son enfance, Voronovo , où elle vécut de 1821 à 1872.
Vite lassée de son époux volage , et fuyant le plus possible les mondanités parisiennes, elle y éleva huit enfants , y reçut ses nombreux petits-enfants et ,à plus de cinquante ans, y écrivit son oeuvre, éditée chez
Hachette, inaugurant une collection qui deviendra la célèbre
bibliothèque rose.
fondée par Madame Arlette de Pitray, descendante de l'écrivain ( Celle-ci repose dans le cimetière tout proche).
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Le choix de ce lieu, comme musée aurait convenu à notre auteur.
En effet, convertie à l'âge de treize ans au catholicisme par sa mère , la terrible Catherine Protassova, elle fut amie de Louis Veuillot ,catholique intransigeant ; l'un de ses fils ,Gaston de Ségur devint prélat et fut son guide spirituel :ne nous étonnons pas des positions conservatrices de la comtesse (elle-même tertiaire franciscaine en 1866) qui parsèment son oeuvre!
"Mes pauvres enfants, c'est toujours ainsi dans le monde ; le Bon Dieu envoie des peines, des chagrins, des souffrances, pour nous empêcher de trop aimer la vie et pour nous habituer à la pensée de la quitter."( les Vacances)
La diatribe qui suit est symptomatique des préjugés de l'époque et de la classe dominante hostile aux "classes laborieuses" donc"dangereuses":
"Une invention nouvelle, une source de gloire et de renommée pour monsieur, de la toile cuivre et zinc ; monsieur fabrique des planches de cuivre et de zinc ; et monsieur en fera de la toile à couvreur, sans frais et sans peine ; des milliers de mètres par jour et coûtant peu.
Ta, ta, ta, je me moque pas mal de vos contremaîtres. Dans ceux de M. Féréor il n’y en a pas un qui aille à la messe seulement ; ils boivent leur argent au café et bousculent leurs ouvriers. Non, non, je ne donne pas mes enfants pour en faire des vauriens, des fumeurs, des coureurs de café !Fusses-tu riche comme M. Féréor, tu ne seras pas plus heureux que lui, tu sentiras sans cesse que quelque chose te manque : ton cœur restera sec ; tu n’aimeras personne et personne ne t’aimera. Tu chercheras toujours le véritable bonheur sans le trouver jamais."
(La Fortune de Gaspard)
Surnommée par Marcelle Tinayre "le Balzac des enfants", la Comtesse de Ségur peint son époque, le village et la ville ( toujours sale , bruyante et dangereuse par opposition à la campagne, bien que le meunier ou les vagabonds la rendent parfois inquiétante)
le château avec ses maîtres leur petit monde: jardiniers, garçons d'écurie,cochers , bonnes d'enfants et domestiques-souvent malhonnêtes...
Attention: chacun doit rester à sa place!
"Une bonne est une bonne, et n'est pas une dame qui vit de ses rentes; j'ai mon ouvrage et je dois le faire."déclare Elisa dans les Petites filles modèles
"Ne dites pas, ma chère maîtresse, que je refuse le bonheur, la fortune. Mon bonheur est de vous témoigner la reconnaissance, de vous servir de mon mieux, de vivre près de vous toujours"
Le mauvais génie
La Fortune de Gaspard décrit pourtant, avec les réserves notées plus haut , l'industrialisation en marche et une ascension personnelle.
L'intention morale de la Comtesse de Ségur , présente dès la parution des Nouveaux Contes de fées , s'exprime avec des accents moins militants dans n'importe quelle préface de ses romans, dédiés chacun à l'un ou l'autre de ses petits enfants:
"A ma petite fille, Elisabeth Fresneau
Chère enfant, tu me dis souvent : "Oh ! grand-mère, que je vous aime ! vous êtes si bonne !" Grand-mère n’a pas toujours été bonne, et il y a bien des enfants qui ont été méchants comme elle et qui se sont corrigés comme elle. Voici des histoires vraies d’une petite fille que grand-mère a beaucoup connue dans son enfance ; elle était colère, elle est devenue douce ; elle était gourmande, elle est devenue sobre ; elle était menteuse, elle est devenue sincère ; elle était voleuse, elle est devenue honnête ; enfin, elle était méchante, elle est devenue bonne. Grand-mère a tâché de faire de même. Faites comme elle, mes chers petits-enfants ; cela vous sera facile, à vous qui n’avez pas tous les défauts de Sophie.
Comtesse de Ségur, née Rostopchine"
Mais avant de passer de l'état de petit diable à celui d'enfant sage, le jeune lecteur peut se réjouir des innombrables bêtises de Sophie , de Charles ou de l'âne Cadichon, souffrir avec Blaise, rire des deux Nigauds ou de Gribouille, faire des caprices comme Gisèle,s'attendrir de la douceur de Juliette, frémir de la cruauté de Madame Fichini, applaudir à la terrible punition de Madame Mac 'Miche ou de madame Papofski qui subit les violences qu'elle aurait voulu infliger à ses paysans.
Relus à la lumière de la psychanalyse, les récits de la comtesse l'ont fait suspecter de sadisme tant les châtiments corporels sont décrits avec un luxe de détails crus qui frise la complaisance.
Sadisme? Masochisme?On peut s'interroger sachant que Sophie fut elle -même maltraitée. dans son enfance...
La leçon est pourtant claire: une fois séparée de sa marâtre, Madame Fichini , Sophie ne s'améliorera que grâce aux exemples donnés par les "petites filles modèles", élevées dans la douceur et la fermeté, et non avec des coups de fouets, tout juste aptes à rendre un enfant menteur , sournois et méchant.
Le musée est fermé en cette saison mais son cadre champêtre semble inviter à "un bon goûter de campagne : pain bis, crème fraîche, lait caillé, fromage, beurre et galette de ménage", en attendant l'animation joyeuse décrite au début du roman, Les Vacances:
"Tout était en l’air au château de Fleurville. Camille et Madeleine de Fleurville, Marguerite de Rosbourg et Sophie Fichini, leurs amies, allaient et venaient, montaient et descendaient l’escalier, couraient dans les corridors, sautaient, riaient, criaient, se poussaient. Les deux mamans, Mme de Fleurville et Mme de Rosbourg, souriaient à cette agitation, qu’elles ne partageaient pas, mais qu’elles ne cherchaient pas à calmer ; elles étaient assises dans un salon qui donnait sur le chemin d’arrivée. De minute en minute, une des petites filles passait la tête à la porte et demandait :
« Eh bien ! arrivent-ils ?
- Pas encore, chère petite, répondait une des mamans.
- Ah ! tant mieux, nous n’avons pas encore fini. » Et elle repartait comme une flèche. « Mes amies, ils n’arrivent pas encore ; nous avons le temps de tout finir. »
CAMILLE. - Tant mieux ! Sophie, va vite au jardin demander des fleurs...
SOPHIE. - Quelles fleurs faut-il demander ?
MADELEINE. - Des dahlias et du réséda : ce sera facile à arranger et l’odeur en sera agréable et pas trop forte.
MARGUERITE. - Et moi, Camille, que dois-je faire ?
CAMILLE. - Toi, cours avec Madeleine chercher de la mousse pour cacher les queues des fleurs. Moi je vais laver les vases à la cuisine et j’y mettrai de l’eau. Sophie courut au potager et rapporta un grand panier rempli de beaux dahlias et de réséda qui embaumait. Marguerite et Madeleine ramenèrent une brouette de mousse.
Camille apporta quatre vases bien lavés, bien essuyés et pleins d’eau.
Les quatre petites se mirent à l’ouvrage avec une telle activité, qu’un quart d’heure après les vases étaient pleins de fleurs gracieusement arrangées ; les dahlias étaient entremêlés de branches de réséda. Elles en portèrent deux dans la chambre destinée à leurs cousins Léon et Jean de Rugès, et deux dans la chambre du petit cousin Jacques de Traypi."
"La boîte à ouvrage
Quand Sophie voyait quelque chose qui lui faisait envie, elle le demandait. Si sa maman le lui refusait, elle redemandait et redemandait jusqu'à ce que sa maman ennuyée, la renvoyât dans sa chambre. Alors, au lieu de n'y plus penser, elle y pensait toujours et répétait :
"Comment faire pour avoir ce que je veux ? J'en ai si envie ! Il faut que je tâche de l'avoir."
Bien souvent, en tâchant de l'avoir, elle se faisait punir ; mais elle ne se corrigeait pas.
Un jour sa maman l'appela pour lui montrer une charmante boîte à ouvrage que M. de Réan venait d'envoyer de Paris. La boîte était en écaille avec de l'or ; le dedans était doublé de velours bleu, il y avait tout ce qu'il fallait pour travailler et tout était en or ; il y avait un dé, des ciseaux, un étui, un poinçon, des bobines, un couteau, un canif de petites pinces, un passe-lacet. Dans un autre compartiment il y avait une boîte à aiguilles, une boîte à épingles dorées, une provision de soies de toutes les couleurs, de fils de différentes grosseurs, de cordons, de rubans, etc. Sophie se récria sur la beauté de la boîte : "comme tout cela est joli ! dit-elle, et comme c'est commode d'avoir tout ce qu'il faut pour travailler ! Pour qui est cette boîte, maman ? ajouta Sophie en souriant, comme si elle avait été sûre que sa maman répondrait : C'est pour toi.
- C'est à moi que ton papa l'a envoyée, répondit madame de Réan."
Les Malheurs de Sophie
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Extraits et citations :
http://www.babelio.com/auteur/Comtesse-de-Segur/79795
Extrait d'une adaptation théâtrale
ici (Le Ranelagh)
Témoignages scolaires
là / "Rencontrer la comtesse de Ségur"
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Et , de la part de
Marguerite-Marie, lien vers la tombe de la Comtesse deSégur:
http://www.landrucimetieres.fr/spip/spip.php?article219