Fançois Bonvin,(1817-1887), Portrait d'Octave feuillet avec une scène de chasse, Huile sur toile.
(Musée des Beaux-Arts de Saint-Lô)
Peu visible sur cette photo, la scène de chasse à l'arrière-plan n'évoque nullement les loisirs et les goûts personnels de l'écrivain, mais le rituel de la cour - A Compiègne ou à Fontainebleau - auquel tout courtisan devait se conformer.
D'après de nombreuses lettres à son épouse, on devine Octave Feuillet plus intéressé par ses conversations avec l'Impératrice, les excursions , les pique-niques en forêt ou la découvertes de ruines antiques (à Champlieu ) que par les exploits cynégétiques:
"Les chasseurs, l'Empereur au milieu, s'avançaient en même temps que cette ligne de rabatteurs et tiraient continuellement sur le malheureux gibier.Nous marchions, nous autres, au centre de la ligne en groupes confus, foulant aux pieds les pauvres victimes de cette boucherie dont un grand nombre n'étaient que blessées; nous avons fait de la sorte une bonne lieue à travers quinze cents cadavres".
D'ailleurs, son insistance sur le mauvais temps et l'incommodité occasionnée en dit long:"
Il pleuvait à torrents.l'Impératrice n'en descendit pas moins de voiture et nous la suivîmes en piétinant dans l'herbe mouillée, jusqu'auprès de l'Empereur"(...)
L'Empereur fit faire une nouvelle battue pour les dames dans l'enceinte de la faisanderie.Madame de Metternich manqua tous les faisans et faillit ne pas nous manquer.Nous avons couru d'assez grands dangers.Pourtant elle finit par tuer un pauvre petit lapin , qui roula trois ou quatre fois sur lui-même, d'une façon plaisante et triste. Quelques années de ma vie (Chapitre XXII)
Calmann-Lévy 1894
Voilà un portrait à caractère officiel qui cadre bien mal avec le vrai caractère de son modèle!
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Jules-Louis Machard (1859-1900),
portrait de Valérie Feuillet (1831-1906), huile sur toile. (Musée des Beaux-Arts de Saint-Lô)
Fille d'Ernest Dubois, ( maire de Saint-Lô entre 1848 et 1868) Valérie Dubois , âgée de 19 ans, épousa son cousin Octave Feuillet, qui en avait trente, le 25 mars 1851.
Cette union se fit malgré la désapprobation de sa grand-mère Madame de Quigny - en réalité sa grand-tante, qui avait élevé sa mère, Elvire Le Conte de Sainte-Suzanne.
Apprenant le projet de mariage , Madame de Quigny avait déclaré:"
Il faut avoir la rage de marier sa fille pour la donner à ce fils mangeur de rois!" Elle qui avait sauvé son père de la guillotine en 1793 ne pouvait pardonner au futur beau-père de la jeune fille ses opinions libérales.
Ses souvenirs personnels mêlés à une fine observation des moeurs sont relatés dans deux volumes -quasiment introuvables- dont le premier a été couronné par l'Académie Française:
Quelques années de Ma Vie.(
Calmann-Lévy 1894)
Il commence par des épisodes de la Terreur, avec la généalogie et l'histoire de ses ancêtres maternels pour se terminer avec l'évocation de la guerre de 1870 et de la Commune.Y sont présentés sa vie familiale , la carrière littéraire et l'ascension mondaine de son époux. Elle reproduit des lettres de son époux qui nous renseignent sur la vie à la cour de Napoléon III . Ses opinions plutôt conservatrices vont de pair avec une certaine liberté d'esprit, et un sens aigu du ridicule, même lorsqu'elle en est la cible! Le ton de la correspondance entre les époux est plein de tendresse: "
mon enfant chérie",
chère petite",
ma chérie,
chère petite amie" sont les formules récurrentes utilisées par Octave Feuillet, dont l'extrême sensibilité, la propension à la neurasthénie trouvaient un soutien en la personne de son épouse. Cette autobiographie sincère, bien tournée est extrêmement plaisante à lire: sa vivacité et ses joies de jeune fille, ses tourments maternels , ses doutes religieux, sa malice nous rendent l'auteur extrêmement sympathique .
Le deuxième volume,
Souvenirs et Correspondances va de 1868 à 1879 , au gré des déambulations et voyages du couple en France, en Angleterre, en Suisse, selon les aléas politiques.
La vie des Feuillet se ressent fortement de l'instabilité des temps, et bien que leurs sympathies monarchiques présentent des risques , ils s'y tiendront .
Tout d'abord, Valérie revient deux ans en arrière , avant la guerre de 1870, elle décrit sa vie en Normandie - à Saint- Lô dans la demeure des Palliers pendant que son mari était
"appelé à Paris, tantôt par ses devoirs académiques, tantôt par les répétitions de ses pièces". Les détails savoureux abondent sur la vie artistique de l'époque! Puis il est question du climat politique: Octave Feuillet avait réfléchi à des réformes : faire de l'Empire une royauté constitutionnelle, décentraliser la France à grande échelle,"
instituer dans tout le pays un vaste système de libertés locales", "
oeuvre essentiellement libérale et démocratique"destinée à asseoir l'autorité de l'Empereur".
La guerre déclarée, Valérie s'exile à Jersey avec ses enfants tandis qu'Octave reste en Normandie et participe à la défense du pays. Après la guerre, c'est le retour en France mais en 1872 , horrifié par la Commune, Octave prie Valérie de chercher en Suisse un pensionnat qui convienne à l'éducation de leurs deux fils."
J'avoue , écrit-elle,
qu'il me parut désolant d'envoyer ces enfants si loin de nous et de confier à des étrangers le soin de former leur âme,mais j'obéis pourtant."
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Edouard Brandon, (1831-1897), Jacques et Richard Feuillet, 1867, huile /toile. (Musée des Beaux-Arts de Saint-Lô)
Quête vaine, tant les pensionnats visités semblent peu fiables . Finalement, leur père décide de confier ses fils aux dominicains d'Arcueil.
Lisons la scène de la séparation:
"
Il y eut, malgré la sécurité que j'emportais, un grand déchirement. Les petits s'accrochaient à ma robe, sanglotant dans mes bras,appelant leur père,Saint-Lô, leurs chers Palliers, tremblant à la pensée d'entendre les lourdes portes du couvent se fermer sur leur mère, qui allait regagner la pays sans eux"
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Felix Philipoteaux(1815-1881), Portrait d'André Feuillet (1852-1860), mine de plomb et fusain , sur papier. (Musée des Beaux-Arts de Saint-Lô)
Gustave Crauk, buste en marbre de carrare d'André Feuillet, fils aîné D'Octave et de Valérie Feuillet, mort à l'âge de sept ans.
(Musée des Beaux-Arts de Saint-Lô)
(A suivre )
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