lundi, mai 30, 2011

" la tempête dont le bruit berça mon premier sommeil... " Chateaubriand 1/4



Mémoires d'Outre-Tombe,Première partie, 
"Ma jeunesse. Ma carrière de soldat et de voyageur"(1768-1800)
(Photos personnelles)
Maison natale de Chateaubriand à Saint-Malo.


"La maison qu’habitaient alors mes parents est située dans une rue sombre et étroite de Saint-Malo, appelée la rue des Juifs : cette maison est aujourd’hui transformée en auberge. La chambre où ma mère accoucha domine une partie déserte des murs de la ville, et à travers les fenêtres de cette chambre on aperçoit une mer qui s’étend à perte de vue, en se brisant sur des écueils. J’eus pour parrain, comme on le voit dans mon extrait de baptême, mon frère, et pour marraine la comtesse de Plouër, fille du maréchal de Contades. J’étais presque mort quand je vins au jour. Le mugissement des vagues, soulevées par une bourrasque annonçant l’équinoxe d’automne, empêchait d’entendre mes cris : on m’a souvent conté ces détails ; leur tristesse ne s’est jamais effacée de ma mémoire. Il n’y a pas de jour où, rêvant à ce que j’ai été, je ne revoie en pensée le rocher sur lequel je suis né, la chambre où ma mère m’infligea la vie, la tempête dont le bruit berça mon premier sommeil, le frère infortuné qui me donna un nom que j’ai presque toujours traîné dans le malheur. Le Ciel sembla réunir ces diverses circonstances pour placer dans mon berceau une image de mes destinées."
La vallée aux loups, le  31 décembre 1811
Mémoires d'Outre-Tombe
, I, II, 3 
(La vallée aux loups, le  31 décembre 1811)

"Nous étions un dimanche sur la grève, à l'éventail de la porte Saint-Thomas à l'heure de la marée. Au pied du château et le long du Sillon, de gros pieux enfoncés dans le sable protègent les murs contre la houle. Nous grimpions ordinairement au haut de ces pieux pour voir passer au-dessous de nous les premières ondulations du flux. Les places étaient prises comme de coutume ; plusieurs petites filles se mêlaient aux petits garçons. J'étais le plus en pointe vers la mer, n'ayant devant moi qu'une jolie mignonne, Hervine Magon qui riait de plaisir et pleurait de peur. Gesril se trouvait à l'autre bout du côté de la terre. Le flot arrivait, il faisait du vent ; déjà les bonnes et les domestiques criaient : « Descendez, Mademoiselle ! descendez, Monsieur ! » Gesril attend une grosse lame : lorsqu'elle s'engouffre entre les pilotis, il pousse l'enfant assis auprès de lui ; celui-là se renverse sur un autre ; celui-ci sur un autre : toute la file s'abat comme des moines de cartes, mais chacun est retenu par son voisin ; il n'y eut que la petite fille de l'extrémité de la ligne sur laquelle je chavirai qui, n'étant appuyée par personne, tomba. Le jusant l'entraîne ; aussitôt mille cris, toutes les bonnes retroussant leurs robes et tripotant dans la mer, chacune saisissant son magot et lui donnant une tape. Hervine fut repêchée ; mais elle déclara que François l'avait jetée bas. Les bonnes fondent sur moi ; je leur échappe ; je cours me barricader dans la cave de la maison : l'armée femelle me pourchasse. Ma mère et mon père étaient heureusement sortis. La Villeneuve défend vaillamment la porte et soufflette l'avant-garde ennemie. Le véritable auteur du mal, Gesril, me prête secours : il monte chez lui, et avec ses deux sœurs jette par les fenêtres des potées d'eau et des pommes cuites aux assaillantes. Elles levèrent le siège à l'entrée de la nuit ; mais cette nouvelle se répandit dans la ville, et le chevalier de Chateaubriand, âgé de neuf ans, passa pour un homme atroce, un reste de ces pirates dont saint Aaron avait purgé son rocher."
Chapitre V , livre I, Mémoires d'Outre-Tombe

La plage du Sillon (photo personnelle)


samedi, mai 28, 2011

Roseraie-jardin du Thabor-Rennes

Au-delà du bassin , havre  de paix et pôle de lecture, s'étend la roseraie.
Là, une statue de Flore semble s'interroger , ou solliciter un avis:"Dis-moi, promeneur, quelle est la rose la plus belle?".
A l'arrière -plan de la roseraie, un castel et  une sorte de village toscan s'offrent  aux regards .




Poème aimablement  communiqué par Cergie

Suis-je Flore ou fleurs ?
Si je suis fleurs pourquoi de Flore
Ai-je le sourire ?
Et si je suis Flore
Pourquoi n’est elle pas fleurs ?
Ah ! Ni fleurs, ni Flore
Ou plutôt je suis Flore et fleurs
Mille fleurs, une seule Flore
Mais pourquoi des fleurs font Flore
Et Flore des fleurs ?
Le sais-tu ? Le peintre habilement
Mue les fleurs en Flore et Flore en fleurs.


-Gregorio Comanini-
Recueil Il Figino (1591)

.............................................................................................................................
Mon guide invisible a été Marguerite-Marie, que je remercie pour ses photos du jardin  du Thabor et de Rennes


...........................................................................................................................

jeudi, mai 26, 2011

Pleure, goéland...



Homme de coeur
Homme de tête

Regard d'aigle


Ce qui suit est une citation empruntée à Wikipédia:

"L'opinion la plus communément admise est que le français « goéland » est un emprunt au 
breton"gwelan" ou" gouelañ" qui désigne effectivement les goélands et signifie pleurer. Ce qui décrit précisément le chant de cet oiseau.
Son équivalent anglais, "gull", aurait une origine analogue.
La désignation des mouettes et goélands est effectivement très homogène dans les langues celtiques
du rameau brittonique,"gwellan"en breton,"gwylan"en gallois et "guilan" en cornique .
Ces trois termes auraient pour origine commune le celtique"voilenno",racine que l'on retrouve aussi dans les langues du rameau gaélique: l'irlandais " faoiléan",  l'écossais  " faooileag" et l'ancien écossais  "gûrplan"."



mardi, mai 24, 2011

Toujours proche, la mer

Toujours proche, la mer, en Bretagne.
A l'intérieur comme sur la côte.
Ici, à Rennes,
Sur l'enseigne 
D'une crêperie typique 
Avec l'image 
D'un vaillant officier de marine 
Qui s'illustra lors de la guerre 
D'indépendance de l'Amérique.





Cancale
Pays des huîtres.
"A l'abordage!"
Crie ce pirate de pacotille, 



O souvenir des flotilles!
Et voici  que la cloche antique 
Rapelle au touriste
L'époque   où elle
Clamait  périls et meetings.

Omniprésente à Saint -Malo,
Cité corsaire
Sous le regard de Surcouf

mercredi, mai 18, 2011

Un écrivain cavalier (2/2)


C'est grâce à la ténacité de  Madame Suzanne Leclerc , présidente des amis des musées,qui avait écrit , à Jérôme Garcin au Nouvel Observateur, un an auparavant , qu'une date a pu être trouvée pour cette invitation. La causerie-débat devait avoir pour sujet l'Ecuyer mirobolant , paru  en 2010 mais a été  bien sûr  élargie à Olivier, publié depuis .

Ma première question a concerné le genre de cet ouvrage consacré à Etienne Beudant: est-ce bien un roman, comme il est mentionné sur la couverture,  ne serait-ce  pas  plutôt une biographie, voire   une autobiographie déguisée ?
Question assez paradoxale, certes, mais suscitée par cette réflexion du personnage principal sur l'écriture:"Il hésitait entre le traité et l'autobiographie, entre la première et la troisième personne".

-  Légèrement  surpris, Jérôme Garcin a affirmé qu'il s'agit incontestablement d'un  roman , le personnage  évoqué étant  si peu connu que l'on peut   combler les blancs de la biographie,broder, inventer . Par exemple, cette rencontre impossible chronologiquement  , pendant l'exposition de Chicago,entre Beudant et  Calamity Jane .Ou , invraisemblables , les face-à face  avec Liautey,  assorties  de conversations complices "malgré tout ce qui les séparait, les origines sociales, la hiérarchie militaire, le tempérament ".
-Cependant, a reconnu volontiers l'écrivain , il est indéniable que des éléments personnels  ont nourri ce portrait fictif: l'amour  et le respect des chevaux, une éthique qui fait  dire  au jeune capitaine et à l'illustre maréchal que" l'on ne préside pas  aux destinées d'un pays (Ici, le Maroc), si l'on ne sait monter". Et notre invité de  d'élargir le propos, passant du Maroc du début du siècle  à la France contemporaine  ,  de soutenir - mi sérieux, mi badin - que des cours d'équitation devraient figurer au programme des écoles destinées à  former les élites de notre pays !

 - J'avais  également été sensible au fait qu'un personnage secondaire-mais l'est-il vraiment, lui qui adopte Vallerine , la jument égarée d'Etienne Beudant  et qui devient l'héritier spirituel de son traité - se prénomme Philippe...
- A la fois souriant et ému, Jérôme Garcin a évoqué ce prénom , qui est   non seulement celui de son père, victime  à 45 ans, d'un cheval tueur, mais encore le patronyme de son  épouse Anne-Marie Philip(pe) , fille de  Gérard Philippe, décédé à 37 ans .
Jérôme, adolescent, avait noué une correspondance avec Anne Philippe, après avoir lu  avec émotion Le temps d 'un soupir;  (sans savoir que l'auteur  était la veuve du comédien ) , des invitations chez celle-ci devaient  aboutir   au coup de foudre du  jeune homme pour  Anne-Marie , grande  et fière jeune fille aux  hautes cuissardes  comme  celles que portait son père dans le rôle du Cid .

Aussi la boîte aux lettres  de l'écrivain  réunit-elle   aujourd'hui deux patronymes ,Philippe Garcin , reconstituant  le nom de son propre père.... Signe du destin ?





Pour faire la transition entre l' Ecuyer mirobolant et Olivier, Jean-Noël  Bernicot a lu, de facàon sobre et convaincante, un passage clef du premier ouvrage ;  un même travail de mise en voix devait conclure la causerie autour du   deuxième livre,  Olivier.

la  dénomination de érécit"   n'est-elle pas  limitative ? D'autres termes ne pourraient-ils pas convenir?
Confession ?Lamento ? Essai sur la gémellité ?Peut-on vraiment  parler de confession- qui suppose une culpabilité ? En quoi peut-on se sentir coupable de la mort de son jumeau ?

A toutes ces questions, Jérôme Garcin  a répondu avec autant de pudeur que de sincérité, parlant de la culpabilité du survivant , de sa quête des doubles de substitution- son épouse Anne-Marie ," jumelle positive ",  Bartabas -  de l'écriture  tâtonnante de ce texte, dialogue imaginaire avec son jumeau de plus en plus présent avec les années,  "bilan provisoire" du sens à donner à son intimité  avec le cheval.

"J'ai peiné à chaque phrase de ce livre, me maudissant de l'avoir commencé" ,  ce commentaire concerne aussi bien la chute  de cheval  qu 'Olivier, et pourtant, parce que "l'écriture n'est pas si différente de l'équitation", la conclusion de ce travail tant thérapeutique qu'artistique pourrait être cette  belle  phrase :"Avec lui , je galope en arrière dans la poussière du temps".

L'humanité, la simplicité, la courtoise de Jérôme Garcin ainsi que son sens  très vif de l'humour ont conquis l 'auditoire qui lui a posé de nombreuses  questions: d'où lui venait son amour des livres ? Où et comment écrivait-il ?Quel sera le sujet de son prochain roman ?

-Cet amour des livres- qui l'a  d'ailleurs sauvé- il le doit à son père ,  éditeur de son métier, et à la fréquentation  familière des écrivains "à qui, enfant,  il passait les cacahuètes à l'heure de l'apéritif "
 -Impossible d'écrire à Paris , et "si je ne monte pas à cheval,je ne peux pas écrire une ligne".
- Concession accordée  à ceux qui trouvent  que  toujours parler de sa passion traduit quelque  folie, le prochain roman ne parlera pas de chevaux!

         L'écrivain cavalier tiendra t-il  vraiment ce pari  ?


M.S.


lundi, mai 16, 2011

Rencontre littéraire au haras (1/2)



Samedi 9 mars 2011, un hôte de marque était attendu à l'écurie Numéro 5 du haras national :
  l'écrivain  Jérôme Garcin, venu parler de son roman L'écuyer mirobolant (Gallimard  2010) consacré à Etienne Beudant, ainsi que  de son dernier ouvrage , Olivier, récit autobiographique publié chez Gallimard en 2011.

Un lieu accordé à  la passion de Jérôme Garcin pour les chevaux et que celui -ci avait d'ailleurs eu l'occasion de visiter , à l'âge de dix ans en compagnie de son père. Il y avait assisté pour la première fois à une saillie et en avait été fortement impressionné. Non sans malice, l'écrivain s'est étonné  - et amusé- de la fréquente reconversion d'anciens couvents   voués à la chasteté en haras voués... à la reproduction.

Dans  La chute de cheval , (paru en 1998 chez Gallimard et réédité dans Le  livre de poche avec une postface  essentielle écrite en 1999), Jérôme Garcin évoquait  un double traumatisme: en 1973, la mort de son père, tué, à 45 ans  par un cheval vicieux, et celle de son frère jumeau, Olivier,  fauché  en 1962 à  l'âge de six ans  sous ses yeux et ceux  de ses parents par un chauffard. .
Deux drames qui l'ont fragilisé, persuadé qu' à tout instant un père pouvait être enlevé à sa famille, un frère arraché à son  besson, le rendant sensible aux signes auxquels il refuse une signification religieuse, mais qu'il souligne, assemble, recompose dans sa création littéraire.Si ces deux épisodes tragiques  n'apparaissent explicitement qu'au deuxième chapitre de ce recueil, et comme incidemment,  parmi des textes consacrés au cheval dans l'art équestre , la peinture  la littérature et la vie, ils  en sont  bel et bien   le moteur . En effet, après l'accident de son père, et un  rejet inconscient des chevaux  pendant vingt ans, l'auteur les a redécouverts grâce l'attirance de son fils pour cet animal transformant   ainsi les fantômes du passé en "une promesse d'avenir". Le lieu  de cette redécouverte, Ouilly -du-Houley fait écho à celui où  dans la fiction de l'écuyer mirobolant , un  certain Philippe  Meurdrac (au  prénom prédestiné et doublement cher à notre auteur..)  découvre enfin  l'identité de  Vallerine, la jument d'Etienne Beudant, qu'il avait trouvée  du côté de chez Julien Gracq à Saint-Florent -Le Vieil, le 22 juin 1940, en pleine débâcle.

Le chapitre de la Chute de cheval joliment intitulé "Un rêve passe, il va l' amble" fait écho au dernier chapitre de l'Ecuyer mirobolant,dans lequel, à la faveur de la naissance d'un poulain, Philippe âgé de quarante ans-en 1962- revient sur cette   rencontre décisive,   sur le sens sa vie, et comprend  en relisant extérieur et Haute école, le traité de Beudant "que rien n'effacerait jamais les traces des chevaux sur la terre des hommes".



(A suivre)






M. Vignaut, directeur du haras, ravi  de recevoir une personnalité aussi attachée à l'univers  du cheval  que Jérôme Garcin ,avait obligeamment mis à notre disposition l'écurie numéro cinq  , et  Mme Catherine Barbey, directrice de l'Office du tourisme avait excellemment préparé cette rencontre, avec l'aide précieuse des services technique de la ville.


Signe faste ?Cette rencontre littéraire coïncidait avec la reprise des visites guidées du haras.

......................................................................................................................................


Signes, fils et tissages:

Le journal Ouest France publiait le même jour un article sur la publication  aux éditions José Corti des Manuscrits de guerre de Julien Gracq.(né en 1940 à Saint -Florent-le -Vieil, mort à Angers en 2007)
Il s'agit de son journal de guerre, rédigé au retour de captivité en 1942, découvert à la BNF par Bernild Boie, l'éditrice de Gracq à la Pléiade.
Dans ce cahier d'écolier rouge, de marque Conquérant, Louis Poirier, qui n'avait pas encore pris le nom de plume qu'on lui connaît, raconte en 77 pages trois semaines de campagne en Flandre, débâcle parachevée le 2 juin 1940,avec la défaite de sa section 
Or,  c'est en pleine débâcle,à l'entrée de St -Florent le 21 juin 1940 que Vallerine fausse compagnie à Madame Lajoinie qui devait restituer la jument à son maître, le capitaine Beudant...Disparition inexplicable,inexpliquée, dont on découvrira , au dernier chapitre  quel  cadeau prédestiné a été fait , mystérieusement, à Philippe Meurdrac, devenu , à 17 ans, puis 22 ans plus tard, le fils spirituel  que rêvait d'avoir  l'Ecuyer mirobolant .

" Un Fabuleux cadeau  de Gracq  à ses lecteurs", commente joliment Daniel Morvan dans O.F, ce 9 mars 2011, jour  où nous recevions au haras, un peu comme chez lui,  le gracquien Jérôme Garcin .

mercredi, mai 11, 2011

Illusion

Ce mage, qui d'un mot renverse la nature,/
N'a choisi pour palais que cette grotte obscure./
La nuit qu'il entretient sur cet affreux séjour,/
N'ouvrant son voile épais qu'aux rayons d'un faux jour,/
De leur éclat douteux n'admet en ces lieux sombres /
Que ce qu'en peut souffrir le commerce des ombres./
N'avancez pas : son art au pied de ce rocher /
A mis de quoi punir qui s'en ose approcher ;/
Et cette large bouche est un mur invisible,/
Où l'air en sa faveur devient inaccessible,/
Et lui fait un rempart, dont les funestes bords/
Sur un peu de poussière étalent mille morts./
Jaloux de son repos plus que de sa défense,/
Il perd qui l'importune, ainsi que qui l'offense ;/
Malgré l'empressement d'un curieux désir,/
Il faut, pour lui parler, attendre son loisir :/
Chaque jour il se montre, et nous touchons à l'heure/
Où pour se divertir il sort de sa demeure./
Ce mage, qui d'un mot renverse la nature,/
N'a choisi pour palais que cette grotte obscure./
La nuit qu'il entretient sur cet affreux séjour,/
N'ouvrant son voile épais qu'aux rayons d'un faux jour,/
De leur éclat douteux n'admet en ces lieux sombres /
Que ce qu'en peut souffrir le commerce des ombres./
N'avancez pas : son art au pied de ce rocher /
A mis de quoi punir qui s'en ose approcher ;/
Et cette large bouche est un mur invisible,/
Où l'air en sa faveur devient inaccessible,/
Et lui fait un rempart, dont les funestes bords/
Sur un peu de poussière étalent mille morts./
Jaloux de son repos plus que de sa défense,/
Il perd qui l'importune, ainsi que qui l'offense ;/
Malgré l'empressement d'un curieux désir,/
Il faut, pour lui parler, attendre son loisir :/
Chaque jour il se montre, et nous touchons à l'heure/
Où pour se divertir il sort de sa demeure./


Corneille, L'Illusion Comique, Acte I, Sc.1

lundi, mai 09, 2011

Rouleaux



L'homme et la mer

Homme libre, toujours tu chériras la mer !/
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme/
Dans le déroulement infini de sa lame,/
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.:

Tu te plais à plonger au sein de ton image /:
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur /
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur/
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.:

Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :/
Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes ;/
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,/
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !:

Et cependant voilà des siècles innombrable/
Que vous vous combattez sans pitié ni remord,/
Tellement vous aimez le carnage et la mort:/
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables !
Baudelaire (1821-1867)

samedi, mai 07, 2011

Là-bas fuir!





Brise marine/

La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres./
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres/
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !
/
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux/
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe/
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe/
Sur le vide papier que la blancheur défend/
Et ni la jeune femme allaitant son enfant./
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,/
Lève l'ancre pour une exotique nature !//

Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
/
Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs !
/
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,/
Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages/
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots .../
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !/

Mallarmé
(1842-1898)

vendredi, mai 06, 2011

Forêt de mâts

"Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,/
Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages/"

Mallarmé

Le port

Un port est un séjour charmant pour une âme fatiguée des luttes de la vie. L'ampleur du ciel, l'architecture mobile des nuages, les colorations changeantes de la mer, le scintillement des phares, sont un prisme merveilleusement propre à amuser les yeux sans jamais les lasser. Les formes élancées des navires, au gréement compliqué, auxquels la houle imprime des oscillations harmonieuses, servent à entretenir dans l'âme le goût du rythme et de la beauté. Et puis, surtout, il y a une sorte de plaisir mystérieux et aristocratique pour celui qui n'a plus ni curiosité ni ambition, à contempler, couché dans le belvédère ou accoudé sur le môle, tous ces mouvements de ceux qui partent et de ceux qui reviennent, de ceux qui ont encore la force de vouloir, le désir de voyager ou de s'enrichir.


Baudelaire, Le Spleen de Paris (Petits poèmes en prose, 1864)

jeudi, mai 05, 2011

Sur le rocher

 
Comme à Monte-Carlo, Granville -surnommée "La Monaco du Nord"se dresse de toute sa hauteur.
La Haute -Ville , enserre, dans ses remparts, des maisons construites en granit provenant des Iles Chausey.
On y accède par la Grande porte,(Photos personnelles ici) dont le pont-levis défendait l'accès. Une plaque rappelle le siège de 1793, qui aboutit à la défaite de l'armée des Chouans, commandée par  Henri de La  Rochejaquelein.
Autrefois port de pêche morutière (depuis   le milieu du XV ème siècle jusqu'au début du XXème ) Granville s'est spécialisée dans la pêche à l'huître sauvage, à bord des bisquines .La Granvillaise, réplique d'une bisquine ancienne de 18 m de long, propose des sorties en mer quand elle ne croise pas entre la baie et les îles Anglo-Normandes .
Le carnaval -souvenir de l'époque où les Terre-Neuvas  faisaient la fête avant de partir pour de longs mois pêcher la morue- anime la ville  quatre jours au moment   du Mardi-gras.

mardi, mai 03, 2011

Le corsaire à la jambe de bois

Comme dans un bon vieux roman d'aventures, ce personnage à l'allure héroïque, malgré sa mutilation, s'apprête à défendre la haute ville et le port.

Statue du
corsaire
 Georges Pléville-Lepelley. 

Très développée sous Louis XIV  (  70 corsaires à Granville à la fin du XVIIème S), la "course"aux pirates et aux ennemis pratiquée par les corsaires, signée par les autorités au nom du roi, a continué au siècle suivant et a  duré jusqu'en 1812.

dimanche, mai 01, 2011

Peinture et météo (3/3)

  Dimanche 20 mars 2011:  double analyse de six tableaux du
 Musée des beaux-Arts de Saint-Lô par un  professeur d'arts plastiques, M Thierry Brocard. et un météorologue, M.Ludovic Pesnel.
(suite et fin )
 ...........................................................................................................................................................

 Eugène Boudin (1824-1898)
Le Havre. Coucher de soleil sur le rivage,
marée basse
, Salon de 1884
Huile sur toile - 117 x 160 cm

 Musée des beaux-Arts de Saint-Lô


Coucher de soleil à marée basse, d'Eugène Boudin (1824-1898), Salon de 1884

     Fils d'un marin de Honfleur, sa ville natale, Eugène Boudin  a  été commis d'un  imprimeur-encadreur et  d'un papetier  puis a fondé sa propre papeterie pour se consacrer à la peinture à l'âge de 20 ans , encouragé par Thomas  Couture et J.F. Millet. Ayant reçu une bourse d'étude du conseil municipal de Rouen, il partit à Paris pour satisfaire sa vocation de peintre, fut copiste au Louvre et étudia dans l'atelier  du peintre Isabey.
    Lié avec Courbet, Monet, Jongkind, il a été souvent considéré comme un  précurseur  de l'impressionnisme, bien qu'il n'ait jamais revendiqué ce titre.
    Ce tableau - une des pièces maîtresses du musée- est le préféré de M. Brocard, pour ses dimensions, son format , mais surtout pour son style, presque abstrait , comme un Rothko- moins les personnages- et sa matière picturale:grattages, frottages   visibles dès  qu'on se rapproche.

(Photos personnelles )


     Le titre complet de ce tableau , Le Havre. Coucher de soleil sur le rivage, marée basse, résout  en fait   la question   posée  sur le lieu de cette marine,  qui avait   suscité une discussion d'ordre météorologique, question importante puisque l'intérêt de Boudin  s'est toujours porté sur
« les états de l'atmosphère selon le lieu, l'heure et le vent » 

M. Pesnel , a demandé au public de faire abstraction du titre et de  relever les indices indiquant quel est le moment de la journée.
-Les bateaux sont sortis, ce qui est rare le matin, sauf pour une grande marée d'équinoxe.
-Trois types de nuages coexistent dans ce tableau: dans la partie inférieure, un fond laiteux, des bandes de strato - ou d'altocumulus, et dans la partie supérieure, les cumulus de fin de journée.
-C'est bien un coucher de soleil car les cumulus fractus, à ce moment de la journée  où ils s'étalent deviennent de la "cirraille" ( de Cirrus=en forme de cheveux)

-Il y a une "rougie",  détail qui a  a donné lieu à une explication (ici) et à un élargissement sur les phénomènes du "rayon vert "(ici) et des feux follets (ou farfadets) (là)




Voilà une conférence-déambulation absolument  passionnante, grâce à la compétence et aux qualités pédagogiques des deux spécialistes invités et qui a parfaitement cadré avec l'objectif des amis des musées de Saint-Lô: faire vivre le musée un dimanche.

Tendres mirages (2)

                                                                Jeanne Cardinal :                          interprétation picturale du recue...